jeudi 12 novembre 2015

Dans ces rêves où je vous tue

Si vous le voyez, dites-lui que je n'ai rien pu faire : le monstre en moi a ravagé son souvenir et lui a découpé une silhouette de lâche. Il était déçu, il n'a pas trouvé de tripes.
Dites-lui, dites-lui bien, à cette ombre qui a voulu se prendre pour un être, que le monstre s'est nourri de lui et m'a fait un collier avec ses os, et que c'est leur claquement qu'il entend dans ses rêves.

Sehen Sie mich
Sehen Sie mich
Das Monstrum in meinem Selbst ist so gross geworden. 

J'espère que je ne disparaîtrais jamais de ta mémoire, car c'est la seule manière qu'il me reste de te faire du mal.

Si tu me rencontres dans tes songes, fuis, sinon le monstre que tu as réveillé finira pas te prendre ton âme. Il te tendra une main bienveillante, te sourira avec mon visage.

Ce visage qui toujours sourira quand tu te consumeras chaque nuit, sans le savoir, de chagrin inconscient.




Je ne sais pas ce que je dis. C'est moi que le montre dévore.

Lorsque tu verras mon âme

Entends tu les fissures de mon coeur qui éclatent sous la pression, 
La pression de la haine, de l'ignorance et de la violence
Celle qui donne l'impression de se noyer dans le sang,
Ce sang qui n'est pas mien mais qui me coule dans les yeux et la bouche
Ce goût de fer et de poudre qui fait naître le dégoût
Je ne veux pas écouter tous ces cris dans ma tête, ces voix pleines de souffrance qui exhalent leur désespoir




Faites les taire
Faites les taire 
Faites les taire


Pourquoi ne puis je pas juste fermer les yeux, comme des volets sur mon âme
J'aimerais pouvoir me protéger du poison qui se répand dans l'air, de l'atmosphère viciée de cette planète - poussière 
Tu me diras que mon âme est trop blanche, et mes yeux trop noirs
Je te dirai, comme le père d'Emma, que tout ce qui t'effleure me déchire
Que je donnerai tout pour me débarrasser de cette empathie pathologique qui me pèse comme un fardeau
Pour ne plus lutter contre la bile noire
Pour que le bonheur ne soit plus un exercice de style



Faites les taire


Ces voix qui passent sur mes nerfs comme un archet acéré sur les cordes d'un violon
Qui tournent dans ma tête comme un essaim de corbeaux des tempêtes
Sortir les mots de mon crâne et les cracher sur une page dans l'espoir qu'il se vide



L'échec de la catharsis poétique

La victoire du caillou dans la chaussure


Mon pied saigne, suis les gouttes de sang et tu me trouveras, assise au bord de l'eau, cherchant dans le ciel une réponse qui ne vient pas
Laissant la pluie laver ces larmes sans autre cause ni but que ma foi perdue
Implorant en silence Dieu, l'univers, la chance,
Et surtout toi, oui toi,
T'implorant de ne pas me laisser seule dans ce monde, comme une enfant en guenilles abandonnée aux lions



Comme une petite chose de rien du tout.

Poétique de l'attente.

Le condamné attend la mort
Il écoute les pas des geôliers et le tintement des clefs dans le noir



Le croyant attend un signe de son Dieu

A genoux il pleure en priant, il prie en pleurant




L'enfant attend le sommeil qui fera s'en aller les ombres
Il ferme ses yeux sur l'hostile dehors



Le prince attend son couronnement

Il se tient fier devant la tombe de son père


La chenille attend sa métamorphose
Elle veut laisser sa peau grise et lourde derrière elle


Le loup attend la lune
Pour lui chanter ses regrets


Le chasseur attend sa proie

Dans le calme et le silence qui précède la mort


Les oiseaux attendent le printemps

Pour vivre à nouveau

Les fées attendent la nuit

Elles astiquent les étoiles pour qu'elles brillent comme l'espoir


L'âme attend le paradis

Elle veut croire qu'il existe



Le puzzle attend la partie qui lui manque

Cette pièce qu'on perd sous le canapé



Les yeux attendent la vision

Ils n'acceptent pas les limites des sens


Le fou attend sa rédemption
Même s'il ne sait pas ce que cela veut dire



L'or attend le sang

Et attise en secret la flamme malveillante qui dort dans le coeur de tout homme





C'est ainsi que l'on peut résumer la vie, tout le monde attend quelque chose.

Ce qu'on entend à l'intérieur


Goutte, goutte, goutte.


Est ce mes larmes qui roulent comme des perles de cristal
Ou mon sang qui s'écoule le long de mes doigts engourdis
Les secondes qui passent péniblement
Les étoiles qui s'éteignent et meurent dans un nuage de lumière
Les pensées qui s'échappent en grappe de ma tête
Les ordures qui s'entassent dans les coeurs et qui tombent des bas fonds
Les oiseaux jamais nés s'écrasant au sol
La pluie qui bat sur les toits et qui fait naître les rêves
Les diamants que comptent les fous



Je ne veux pas croire que cet écho qui enfante de telles images ne soit qu'un robinet qui fuit

Tabula rasa

Je ne veux pas parcourir sans fin le désert en espérant l'oasis : je veux m'installer dans l'oasis. 



Tu n'as pas pu comprendre. Non, tu n'as pas voulu.
Je t'ai offert mon essence. Je pensais avoir trouvé la tienne. Des mois à gratter la terre que tu avais bien pris soin de saler.
M'étais je trompé ? J'ai toujours donné trop de crédit à l'illusion.






Maintenant, c'est la résurgence des souvenirs : il faut d'abord les faire remonter à la surface, chacun d'eux, avant de les déchirer dans le sang et les larmes, comme ces rats qu'on enfume pour les déloger de leurs trous, pour être sûr qu'aucun n'en réchappe. 




Un par un, je les souille. C'est une odieuse manière de faire, poétique en un certain sens. Car il ne s'agit pas de les froisser avec rage avant de les jeter, non, ce serait trop trivial. 
D'abord, je les déballe soigneusement, comme on le ferait avec des poupées de porcelaine ; je les regrette une dernière fois.
Et puis, un bain de javel, histoire d'y tuer les sentiments qu'on a tant chéris, de leur enlever toute vie : maintenant, on comprend pourquoi on les aimait. Mais on ne les aime plus. L'impression de bonheur qui les nimbait ne part jamais tout à fait ; c'est pour cela qu'on les déteste encore plus, ils deviennent des memoria de l'amour qu'on a perdu. 
Après, encore, je découpe dedans ; j'enlève les visages rieurs ou souriants, je perce les yeux pleins de joie, je sectionne les gestes tendres. Et surtout, je poignarde chaque coeur. Minutieusement. Jusqu'à ce que le mien n'en puisse plus.
Terminus, poubelle mentale, décharge des sentiments, dernier arrêt, tout le monde descend.




Tout s'achève dans ce coin particulier de la mémoire : je craque l'allumette et je laisse faire le feu de la colère. Le feu purifie. Le feu me soulage.
La politique de la terre brûlée : rien ne viendra plus actionner en moi tous ces rouages qui portaient ton nom. Te rends tu compte du pouvoir que tu avais.
Je t'ai élevé dans mon Olympe : aujourd'hui t'y jette à bas. Le craquement de tes os n'a pas été insupportable longtemps ; il s'est perdu dans les nuages du temps. La pluie lavera le sang. Les charognards achèveront mon oeuvre. 



Rien ne dépend plus de moi : le soulagement, enfin.