jeudi 12 novembre 2015

Tabula rasa

Je ne veux pas parcourir sans fin le désert en espérant l'oasis : je veux m'installer dans l'oasis. 



Tu n'as pas pu comprendre. Non, tu n'as pas voulu.
Je t'ai offert mon essence. Je pensais avoir trouvé la tienne. Des mois à gratter la terre que tu avais bien pris soin de saler.
M'étais je trompé ? J'ai toujours donné trop de crédit à l'illusion.






Maintenant, c'est la résurgence des souvenirs : il faut d'abord les faire remonter à la surface, chacun d'eux, avant de les déchirer dans le sang et les larmes, comme ces rats qu'on enfume pour les déloger de leurs trous, pour être sûr qu'aucun n'en réchappe. 




Un par un, je les souille. C'est une odieuse manière de faire, poétique en un certain sens. Car il ne s'agit pas de les froisser avec rage avant de les jeter, non, ce serait trop trivial. 
D'abord, je les déballe soigneusement, comme on le ferait avec des poupées de porcelaine ; je les regrette une dernière fois.
Et puis, un bain de javel, histoire d'y tuer les sentiments qu'on a tant chéris, de leur enlever toute vie : maintenant, on comprend pourquoi on les aimait. Mais on ne les aime plus. L'impression de bonheur qui les nimbait ne part jamais tout à fait ; c'est pour cela qu'on les déteste encore plus, ils deviennent des memoria de l'amour qu'on a perdu. 
Après, encore, je découpe dedans ; j'enlève les visages rieurs ou souriants, je perce les yeux pleins de joie, je sectionne les gestes tendres. Et surtout, je poignarde chaque coeur. Minutieusement. Jusqu'à ce que le mien n'en puisse plus.
Terminus, poubelle mentale, décharge des sentiments, dernier arrêt, tout le monde descend.




Tout s'achève dans ce coin particulier de la mémoire : je craque l'allumette et je laisse faire le feu de la colère. Le feu purifie. Le feu me soulage.
La politique de la terre brûlée : rien ne viendra plus actionner en moi tous ces rouages qui portaient ton nom. Te rends tu compte du pouvoir que tu avais.
Je t'ai élevé dans mon Olympe : aujourd'hui t'y jette à bas. Le craquement de tes os n'a pas été insupportable longtemps ; il s'est perdu dans les nuages du temps. La pluie lavera le sang. Les charognards achèveront mon oeuvre. 



Rien ne dépend plus de moi : le soulagement, enfin.

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